Paraphe
Louis Calaferte
Il faut lire Louis Calaferte. Romancier, poète, homme, essayiste. Violent dans ses colères et ses attendrissements. Indigné par tout avec excès. Amoureux des femmes à la folie, avec nuance, avec tendresse. Cherchant la mesure dans la démesure. Tenant l’art pour un équilibre majeur. Haïssant tout ce qui relève du bourgeois. Esprit libre. Singulier. N’appartenant à aucune école.
Il faut lire Paraphe. Ce texte est un miroir : tout Calaferte y est, pris comme la lumière dans un éclat de diamant, et nous aussi, dans nos faiblesses, nos rêves et nos colères.
Publié en 1974 par Denoël, oublié depuis, c’est un texte d’une merveilleuse actualité : être libre, être soi-même est notre force, et cela seul résiste au temps.
Lire un extrait
Paraphe
Louis Calaferte
Tout ce que je dis n’a aucune importance, comme tout ce que je ne dis pas.
Il y a toute une liste de choses que j’ai oubliées de faire avant de mourir. J’espère qu’on ne m’en voudra pas.
Pour passer le temps.
L’attente du courrier. / Le grand livre à écrire. / Les heures calmes du soir. / Moi dans le destin de quelqu’un qui n’est pas moi, que je ne voudrais pas être. L’être passagèrement est divertissant si on sait s’y prendre. / Moi après ma mort.
La somptueuse propriété que je n’habiterai jamais. / Les grandes idées métaphysiques (qui ne débouchent sur rien).
Ce que je vivrai plus tard, je ne sais quand, probablement jamais. / Quelques rares belles lectures. / Les élans mystiques
L’illusion d’être compris. / Croire qu’il y a encore des choses merveilleuses qui peuvent m’arriver. / Quelques rares belles émotions dont celles des quelques rares belles lectures (voir plus haut).
Le dégoût pour l’inimaginable bêtise cruelle de mes contemporains.
Tout ce qui arrive de fâcheux aux imbéciles (incendies par imprudence, accidents de chasse, enfants anormaux, victimes d’escroqueries par appât du gain facile, disparitions de familles entières par imprévoyance, etc.).
Les conversations idiotes entre gens idiots.
Les remises de décorations, les éloges funèbres, les distributions de prix (littéraires), les discours électoraux.
Les enthousiasmes idéologiques des foules.
Et encore quelques petites choses, au gré de l’événement.
Tous mes textes sont des textes de jeunesse.
J’approuve parce que c’est commode, mais je n’en pense pas un mot.