Les dunes d’Ambleteuse
Philippe Comar
Dans un service d’urgence, un homme, abandonné sur un brancard, a mal. Sa souffrance est son seul point fixe. Perdu dans cet univers hospitalier qui a tôt fait de le réduire à ce qu’il est vraiment, un corps douloureux, un patient parmi d’autres, il est livré sans défense au bon vouloir de ceux qui l’examinent.
Étrange plongée en soi-même, où plus rien ne compte que ce langage oublié du corps qui, tout à coup, resurgit violemment, recouvrant tout, et d’abord la raison de sa présence ici. Nous l’apprendrons, au fil du récit, mais si l’explication rationnelle de l’agression qui l’a mené à l’hôpital nous est donnée, là n’est pas l’essentiel. Peu à peu, par bribes, nous découvrirons qui il est. Scientifique atypique, éthologue convaincu, qui préfère définitivement l’âpreté du terrain aux confinements abstraits des laboratoires, le narrateur renaîtra sous nos yeux, comme si cette récapitulation allait de pair avec sa guérison. Le récit circonstancié de sa mésaventure s’entremêlera avec celui de sa vie, et nous mènera du Muséum d‘Histoire naturelle aux dunes d’Ambleteuse, quelque part sur cette côte d’Opale, où les ciels chahutés se confondent avec la mer.
Les dunes d’Ambleteuse : lieu en dehors de tout, lieu de l’amour, de la simplicité retrouvée et choisie, où tout est rythmé par la lumière changeante, le frémissement du vent dans les touffes d’oyats, la cohabitation respectueuse de l’homme et de l’animal.
Les dunes d’Ambleteuse : la liberté et la vie en vrai, loin du temps arrêté du Muséum, où la poussière et le formol gardent de bien obscurs secrets. C’est ce choix de la chair et du vivant, contre l’expérimentation sèche de ce qui ne l’est plus, qui contient à lui seul le vrai propos de ce livre. Réflexion sur la science, cheminement personnel, intrigue quasi policière, tout cela se mêle avec brio pour donner, in fine, le récit d’une renaissance, d’une fuite apprivoisée, le choix d’un homme.
Dans un style absolument personnel, où se mêlent sans effort le classicisme et l’humour, Philippe Comar nous donne ici à lire un premier roman d’une maîtrise peu commune.