Le Navire Arthur
Gérard Macé
Alors que l’hygiène semble être une préoccupation constante de notre époque, et que nous nous détournons de ce qui s’abime et se corrompt, les déchets s’accumulent, la menace écologique est majeure et les maladies refont surface.
En suivant le parcours de trois médecins – Parent-Duchâtelet confronté aux épidémies sur le navire Arthur vers les Antilles au XIXe siècle ; le docteur Adrien Proust (père de Marcel) dans sa lutte contre la peste et le choléra ; ou le mythe du docteur Destouches –, Gérard Macé dénonce un hygiénisme qui peut se transformer en eugénisme, ou en pureté imaginaire, quand la raison n’est plus à l’œuvre.
Mais par la grâce de la littérature il nous rappelle aussi les métamorphoses sans lesquelles la vie ne pourrait triompher.
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Le Navire Arthur
Gérard Macé
Quand on n’ose plus parler du bien et du mal, parce qu’on trouve ces notions trop simplistes et même un peu bêtes, on déplace le problème en changeant de vocabulaire. Le propre et le sale, le pur et l’impur ont joué ce rôle, à l’insu parfois des adeptes les plus convaincus, les plus furieux, toujours prêts à invoquer un droit naturel.
Le pur et l’impur ont inspiré des religions, ou plus récemment de funestes théories sociales, qui ont à chaque fois favorisé l’exclusion, c’est-à-dire l’entre-soi des membres d’une même communauté. Bien qu’imaginaire, la ligne de fracture traverse toutes les sociétés, et passe en chacun de nous. Manger de la main droite, ne pas mêler le lait et le sang, détester le porc ou ne pas convoiter les femmes, ne pas prononcer le nom de Dieu, changer de chaussons pour aller aux toilettes, la liste est sans fin des tabous et des contraintes que l’on pourrait comprendre, s’ils ne justifiaient pas l’ostracisme et les tueries.