La Possibilité d’une ville
Jacques Ferrier
Un architecte n’est pas un artiste, mais l’architecture, elle, peut s’apparenter à un travail d’auteur ; un travail qui doit formaliser dans une vision singulière les attentes et les aspirations d’une époque. L’architecte doit construire une œuvre en prise avec le réel et celui-ci est devenu d’une extraordinaire complexité au cours du xxe siècle, entraînant l’architecture loin des bases auxquelles elle a pu se rattacher pendant des siècles.
Ce réel est aujourd’hui en crise : nous vivons un profond changement dans le mode de vie urbain, un changement qui concerne donc la majeure partie de la population et la planète toute entière. Ce changement appelle de nouvelles façons de penser la ville et l’architecture ; mais, contrairement aux apparences, rien ne bouge vraiment : occupés à concevoir des bâtiments de plus en plus spectaculaires, quelques stars occupent le devant de la scène et occultent le malaise profond de l’architecture.
Dans un même temps nous nous sommes condamnés à une architecture générique, prise dans l’engrenage d’une production effrénée ou les critères financiers priment sur les valeurs humaines, créant partout des mondes urbains sans qualités. L’urbanisme de géométrie, séparant le territoire urbain en cases fonctionnelles, s’est imposé comme correspondant le mieux à la rentabilité foncière, détruisant toute possibilité de créer une vie urbaine et collective pour des métropoles où doivent pourtant coexister plusieurs dizaines de millions d’habitants.