Des graffs dans la nuit
Jean-Jacques Salgon
Au-delà de l’ancienneté de ces figures, de leur état d’exceptionnelle conservation, quelque chose transcende ces images qui vient les faire vibrer d’un éclat presque surnaturel. Elles bougent et nous semblent vivantes, investies d’une puissance secrète qui défie les siècles. Elles portent en elles les traces d’une vision qui nous échappe et c’est cela qui nous émeut.
Depuis l’enfance où son père instituteur l’amenait récolter des fragments de poterie, des silex ou des dents humaines dans les grottes ou au pied des dolmens de l’Ardèche, Jean-Jacques Salgon, écrivain et scientifique de formation, passionné d’art, a gardé un goût prononcé pour la préhistoire.
En 2004, il a eu la chance de visiter la grotte Chauvet et, plus récemment, celle moins connue de Baume Latrone, dans le Gard. Des graffs dans la nuit surgit de la rencontre avec les oeuvres pariétales de plus de 30 000 ans, et des chocs de la découverte. Son étonnement et son éblouissement apportent des réponses à sa passion de l’énigme.
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Des graffs dans la nuit
Jean-Jacques Salgon
Transfigurations
Une visite à la grotte Chauvet
Au mois de juin 2004, j’ai écrit à Dominique Baffier qui était alors conservatrice de la grotte Chauvet pour lui demander de m’autoriser à me rendre dans la cavité, dans le projet d’écrire un texte au sujet des peintures préhistoriques dont la découverte remontait alors à une dizaine d’années. Dans ma lettre je précisais le détail de mes séjours prochains en Ardèche (qui correspondaient alors aux vacances scolaires) et j’insistais aussi pour bien signifier que, quelle que soit la date proposée, je me débrouillerai toujours pour me rendre disponible. À dire vrai, je m’étais préparé à patienter de longs mois, me doutant bien que je n’étais pas prioritaire pour une telle visite et, d’ailleurs, je n’étais pas du tout certain que ma candidature fût retenue.
Or, quelques semaines après que ma lettre avait été envoyée, le téléphone a sonné : « Monsieur Salgon, êtes-vous disponible le mercredi 4 août pour une visite de la grotte Chauvet ? »
Inutile de préciser que je ne pris même pas le temps de consulter mon agenda. Le rendez-vous fixé, je sautai de joie, j’avais le sentiment d’avoir bénéficié d’une faveur divine. Car quelle puissance majeure, sinon celle des Bienveillantes, pouvait avoir fait s’ouvrir pour moi les portes de la caverne ? Aujourd’hui que le temps a passé, qu’il me soit permis de remercier madame Dominique Baffier. Quoique scientifique, cette personne bien humaine n’aurait pas forcément été fâchée d’apprendre que son nom venait de rejoindre dans mon esprit, et pour quelque temps, celui plus mythologique des Oréades.