Dans les eaux profondes
Akira Mizubayashi
L’espace de la salle de bains, espace souvent anodin, ou exigu en Europe, est au Japon un lieu privilégié où le thème de l’intimité familiale ou amicale se manifeste mieux qu’ailleurs. Le bain japonais est un élément de civilisation, au même titre que la cérémonie de thé, les haïkus ou la voie des fleurs.
Si le bain est d’abord associé aux yeux d’un occidental à l’idée de propreté, il est au Japon un savoir-vivre raffiné, poétique, qui rend possible la rencontre de l’autre dans un cadre intime et bienveillant.
Comme Tanizaki, dans son Éloge de l’ombre, Akira Mizubayashi nous livre dans cette évocation des eaux profondes, le secret d’un cœur japonais mais aussi la vigilance critique d’un homme de son temps dans un pays en crise.
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Dans les eaux profondes
Akira Mizubayashi
Le bain au Japon n’est pas une affaire individuelle comme c’est le cas en France et sans doute dans toute l’Europe occidentale. Sans parler de mon enfance durant laquelle ma mère ou, plus rarement, mon père, m’emmenait à un établissement de bains près de chez nous, depuis toujours j’ai pris mon bain souvent, en compagnie de personnes à qui m’attachaient des liens d’affection particuliers. Le bain n’est pas un lieu solitaire ; au contraire, c’est un espace qui réunit d’abord les membres de la famille dans une profonde intimité. Il m’arrive encore, en dépit de l’exiguïté de la salle de bains,
de m’y trouver avec mon père ou mon frère, ou même avec ma mère. En nous lavant réciproquement le dos, en nous massant mutuellement les épaules, en échangeant des paroles autour de thèmes tantôt gais, tantôt sérieux, tantôt confidentiels, nous jouissons du privilège d’une relation immédiate.