Cocteau sur le rivage
Olivier Rasimi
Le 12 décembre 1923, Raymond Radiguet meurt à Paris, fusillé par les soldats de Dieu. Il a vingt ans. Jean Cocteau est dévasté, Radiguet était comme son fils. Il va le pleurer trois jours et trois nuits durant. Il vient de perdre la moitié de lui-même. Il se réfugie près de Nice, à Villefranche-sur-Mer et se cache. Ce deuil au soleil, il l’accompagne d’opium et de dérives sur l’eau.
Ses amis, Picasso, Auric, Stravinsky viennent le voir. Ce seront trois années dans la nuit de son chagrin et le bleu de la mer. Poèmes, dessins, pièces de théâtre vont naître là, à l’ombre de son enfant perdu. La vérité, il le dit, est toujours du côté de la mort. Et de l’amour...
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Cocteau sur le rivage
Olivier Rasimi
C’est alors qu’il vous regarde, Raymond, qu’il vous voit enfin, les yeux écarquillés. Ses lèvres s’ouvrent pour parler, vous vous avancez, j’ai peur, balbutie-t-il, puis, sans plus vous voir : dans trois jours je vais être fusillé par les soldats de Dieu. Il a dit cela dans un souffle, ou est-ce la brume qui parle par sa bouche. Mme Radiguet tient sa brosse en suspens au-dessus de la tête de son fils, comme une croix. Vous ne savez quoi répondre, tout le monde vous regarde, vous vous reprenez enfin, mais non, voyons, les médecins sont très confiants, tu vas guérir, ils me l’ont assuré, et vos yeux s’emplissent de larmes. Il secoue la tête, gravement : vos renseignements sont moins bons que les miens, répond-il, l’ordre est donné, j’ai entendu l’ordre.