Chartres, la femme en pierre
Diane De Margerie
« Immuable ? Qui a dit immuable ? Elle n’est jamais la même. Je l’ai vue transparente, son toit vert suspendu dans le givre ; je l’ai vue luisante et noire et nue comme le dos d’un dauphin bondissant ; je l’ai vue poreuse, ravagée, grise de bruine comme une série de cavernes grignotées par la mer ; je l’ai vue telle une pieuvre lumineuse, les bras prédateurs, avide et blanche de soleil ; je l’ai vue droite et pure comme une falaise à pic. Peut-être est-ce à cause de ces incessantes métamorphoses que, sans pouvoir en préciser l’instant, je me suis laissé prendre. Parce qu’elle n’est jamais la même. Seuls les lieux ne cessent de changer. Les êtres ont beau avoir des facettes multiples, si bien qu’il leur arrive de ne pouvoir s’y reconnaître eux-mêmes, ils ne sont pas, à chaque instant du jour, capables de changements qui ont la force, la durée, la légèreté et la violence des métamorphoses séculaires. Le seul fait de savoir que, sans erreur possible, la Femme en pierre me survivra, me rassure. »
Diane de Margerie écrit dans un éblouissement sa passion pour la cathédrale de Chartres. La pierre ici est métaphore de vie.
Ce livre fut le premier de la collection "L’un l’autre" de J.-B Pontalis.