Beckett, 27 juillet 1982, 11h30
Michel Crépu
Après trente années d’éloignement volontaire, Michel Crépu revient sur les lieux d’une passion littéraire pour le créateur d’En attendant Godot.
Mais est-ce possible de parler de Beckett ? Œuvre limite, qui transforme aussitôt les téméraires en commentateurs bavards. Michel Crépu relève néanmoins le défi. Il relit les œuvres au gré d’une mémoire qui coïncide avec son attirance de naguère pour la vie monastique, au temps lointain des années 80. La littérature et le spirituel : ici commence une histoire commune, non achevée.
Jeune homme, il voulait serrer alors la main de l’homme qui avait serré celle de Joyce. Un rendez-vous mémorable lui offrira cette chance. Beckett paraît loin aujourd’hui de la houellebecquerie ambiante. Sa solitude n’a jamais été aussi grande. C’est le moment où jamais d’y retourner voir. C’est ce que réalise Michel Crépu dans ce livre d’heures de lecture et d’intimité.
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Beckett, 27 juillet 1982, 11h30
Michel Crépu
Beckett est imprenable parce qu’il ne laisse rien à commenter. C’est-à-dire que l’on se trouve immédiatement voué au commentaire, version atroce de l’ennui. Et tout a été toujours ainsi. On ne sait rien du fond de ces périodes de sa vie dont la correspondance ne laisse paraître que l’écume si paradoxalement bavarde. Beckett en privé, au courrier, déverse beaucoup, une vraie pipelette. Que l’on retourne aux textes et c’est le silence strict. Au théâtre, une dramaturgie de l’ennui.
Pozzo et Lucky ne savent pas quoi faire, alors ils parlent de riens. Il y a de fortes chances pour que l’Éternel ait procédé de la sorte, par lassitude. Quand on est Dieu, le langage sert à se monter des histoires pour tuer le temps. Et pareil pour Pozzo et Lucky.